La charge héroïque

Mainz était tombée puis Mannheim. La Grande Armée, battue mais pas annihilée s’était regroupée aux abords de la ville de Kaiserlautern. Les hommes, fatigués aspiraient à un peu de repos… L’Etat Major de la Grande Armée était conscient que les troupes, exténuées par plusieurs journées de marche forcée, devaient se réorganiser. Cependant le temps manquait, car la jonction des divisions russes et prussiennes étaient maintenant effectuée et l’ennemi malheureusement était aux portes de la ville.

Le dispositif de la coalition semblait rodé. Les troupes avançaient en bon ordre, repoussant facilement les éléments désordonnés de la Grande Armée qui tentaient de faire face. Il fallait réagir, bousculer cette belle organisation de la coalition….

Et justement une occasion se présentait : plusieurs régiments d’infanterie légère russe avançaient en ordre rangé... Une charge bien menée de la cavalerie pourrait disloquer ces troupes imprudentes et crevant le front ennemi, agir sur ses arrières, retardant certainement pour plusieurs journées l’avancée des troupes qui souhaitaient investir la ville.

Le « 1. Reggimento Drago » fut pressenti pour cette action…. Le Général Benito Dumaresco souhaita toutefois passer en revue ces fiers cavaliers, aux uniformes rutilants, avant de les envoyer enlever la position ennemie.

Les chevaux piaffaient d'impatience... L'ordre avait enfin été donné... Le « 1. Reggimento Drago » s'ébranla pour briser la ligne de l'infanterie légère Russe qui approchait au loin.
Les cavaliers partirent au trot, traversèrent la plaine puis gravirent péniblement le talus qui les séparait de l’ennemi. Regroupant ensuite ses hommes, le major Valentino sonna la charge. Il regarda avec un plaisir non dissimulé les fantassins ennemis qui tenaient la position. « Ils n’auront pas le temps de se disposer en carré » songea t-il « leur formation en tirailleur va leur coûter très cher ! ».
Cette opinion était partagée par les fantassins russes qui voyaient avec inquiétude arriver sur eux cette masse de cavaliers… Si les jeunes recrues blêmirent, tous conservèrent cependant leur calme, se préparant à subir le choc de la charge de l’escadron italien...

Les cavalier du « 1. Reggimento Drago » avaient prit de l’élan, ils allaient aborder la ligne Russe lorsque soudain un tir de flanc coucha une cinquantaine des leurs! L’élan n’était pas cassé pour autant, les dragons italiens imperturbables s’élancèrent pour disloquer la ligne qui leur faisait face. Mais alors même qu’ils arrivaient sur les tirailleurs ennemis, un ordre russe fusa le long de la ligne ennemie repris de bouche en bouche « Couchez-vous ! Couchez-vous !»

Les Italiens virent avec stupéfaction les tirailleurs russes se coucher dans les seigles… Au même moment, venant de derrière les russes, deux tirs successifs, mortellement précis, et émanant d’un régiment prussien, fauchèrent la première et la seconde ligne des cavaliers… 117 des fiers dragons italiens étaient tombés…La charge était brisée, et avec elle l’espoir de mettre en déroute le régiment russe et de percer la ligne…

Toutefois, emportés par leur élan, les quelques rescapés engagèrent la ligne russe. Les sabots des chevaux foulaient les fantassins encore allongés, les cavaliers sabrant ceux qui voulaient se relever… Toujours indemne, le Major Valentino regarda autour de lui pour rallier ses hommes. Mais déjà, les russes se relevaient, conscient de l’infériorité numérique manifeste des dragons italiens… Ceux-ci luttaient maintenant pour leur survie… Du fier régiment qui quelques instants plus tôt s’était avancé à la rencontre des troupes russes, seuls trois hommes seulement avaient survécu...Mais les couleurs étaient sauves et avec elle l’honneur du « 1. Reggimento Drago »

Au loin, le général Benito Dumaresco avait suivi avec tristesse l’évolution du combat. Avec un soupir de résignation, il se détourna et se dirigea vers l’Etat Major de la Grande Armée pour rendre compte de l’échec de la tentative italienne. « Au moins, ce massacre n’aura pas été vain » pensa t-il « les russes seront certainement plus circonspects et ce temps gagné permettra le regroupement de nos vaillants soldats…