Premier Empire
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 Les Crinières

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MessageSujet: Les Crinières   Les Crinières EmptySam 17 Oct 2009 - 14:25

Vers le commencement de décembre, un peu après que Lannes eut abandonné Tarazone, une troupe de dragons entra dans la ville.

C'était un grand régiment triste et sans peur, décimé par les embuscades, et la plupart de ses soldats semblait vieux, tant ils avaient souffert. Préoccupés seulement par la gloire, ils étaient de ceux qui avaient traversés l'Europe, et de 1805 à 1808, les derniers de la Vieille-Armée qui durant les marches racontaient leurs aventures, et l'œil soudain clair, d'une voix basse qui en tremblait encore, narraient aux conscrits épouvantés le funèbre "tumulte" d'Austerlitz.

- Halte !

Ils étaient sur la place du marché, au milieu de maisons basses, et la ville semblait morte. On entendait par instant que la gifle d'un sabot de fer, la fuyante chanson des sources qui traversaient Tarazone de leurs mille filet d'eau, et l'immense élan d'un vent de montagne qui soufflait lointain.

- Holà ! dit le colonel, qu'on fouille les maisons !

Cet officier supérieur avait au plus trente ans. Il était mince, blond, et, sans doute qu'au feu des combats il avait du chercher les blessures, car des pieds au crâne tout ce qu'on voyait de sa peau en était couvert. Il tiquait sur sa selle, ardent et l'œil collé aux portes que les soldats abattaient, de ses doigts joints il effilât ses moustaches rousses, taillées à la gauloise.

- Ha ! dit-il enfin, ces brutes s'étaient enfermées.

En effet, des femmes et des enfants, des vieillards s'éboulaient de tous côtés sur la place, poussés vers les dragons.

- Faites un tas des filles, dit le colonel

Il en venait à chaque instant, et comme si le même effroi eût traversé toutes les maisons, la ville entière ouvrait ses portes.

- On ne trouve aucun homme, dit un officier.

- Parbleu ! dit un autre, ils sont à l'embuscade, et gare pour nous au défilé...

Maintenant, les femmes arrivaient par troupeaux. Les ruelles étaient pleines de jupes claires, et mille voix aiguës sanglotaient d'horribles jurons. Une vieille bondit vers la place, les bras levés en hurlant !

Des soldats en menaient de pauvres, les plus jolies, qui riaient, mais la plupart tordaient leur taille, les doigts en griffes, comme des jeteuses de mauvais sort ! Et entassées sous l'éclat de joie des dragons, elles insultaient le colonel. Quelques unes, même, enragées, prirent des cailloux et les lancèrent.

[à suivre]


Dernière édition par de Noblecourt le Dim 18 Oct 2009 - 22:15, édité 1 fois
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MessageSujet: ntômes   Les Crinières EmptySam 17 Oct 2009 - 19:13

- En tas! en tas!

Il y en avait, assisses, qui donnaient le sein à des enfants nus, et d'autres qui, les poings hauts, malmenées par une fureur sainte, secouaient leurs vêtements comme des flammes ! On les sépara des vieillards à qui elles reprochaient leur tristesse, des enfants dont elles augmentaient la terreurs. Une jeune fille s'enfonça un poignard dans le cou; les autres prirent son sang et l'éparpillèrent dans des signes de croix, vers les dragons - et la vielle, par dessus ses compagnes, hurlait si fort et d'une voix si rauque, si continue, si effrayante, que là-bas, dans les pelotons immobiles, les chevaux épouvantés se serrèrent...

- Est-ce fini ? demanda le colonel, toutes les femmes sont-elles là ?

- Toutes
- C'est bien. Qu'on aille chercher des ciseaux

Une dizaine d'hommes entrèrent dans les maisons, guidés par trois des filles les moins furieuses, t revinrent presque aussitôt.
Alors le colonel s'approcha des femmes, en prit une par le chignon, et montrant les autres d'un geste :

- Coupez-moi ces chevelures ! toutes, sans excepter, au ras de la peau !

Il souriait, et, entre les oreilles de sa bête qui les pieds de devant sur une borne ronflait à la charge, impatient, il se mit à regarder les femmes.

Devinant le châtiment, elles butaient contre les dragons, tombaient d'elles-mêmes sur les branches des grands ciseaux. Elles voulaient toutes mourir, mais saisies avec force, elles ne bougeaient bientôt plus et, coupés net, leurs long cheveux tombaient à terre.

On les empoignait par la taille; on tranchait l'orgueil de leurs têtes ! Les dragons s'esclaffaient, sonores, avec ces femmes dans les bras, et elles, s'attachant à la garde épaisse des sabres, tentaient de mordre leurs poings. Mais leurs cris furent inutiles. Le colonel attendait droit sur son cheval, que ces milles femmes furent rasées. Le temps de les saisir : leur nuque d'ambre aux coquilles de leurs oreilles, de leurs oreilles à leur front, les beaux cheveux coulaient en cascade, les uns long, si longs qu'ils leur battaient les talons, les autres opulents, si opulents qu'ils leurs enveloppaient les flancs, et ils tombaient, ils tombaient aux pieds des soldats comme des voiles, comme des drapeaux éployés.

- Est-ce finit? répéta le colonel, toutes les femmes sont elles tondues ?

Des cris encore éclataient ! La plupart de ces cheveux étaient voués à la vierge; des femmes se lamentaient en sanglotant, et à genoux, les mains hautes, montaient au ciel leurs chevelures tranchées. Un capitaine poussa son cheval.

- Tout est prêt, mon colonel.

Les cheveux coupés étaient par terre, alignés. Ils faisaient le tours de la place, et on eu dit un matché de serpent.
Le colonel passa devant eux, amusé, au trot. Derrière lui, près des montures, les hommes plaisantaient en se montrant les femmes qui, accroupies, recouvraient leurs têtes de mantilles. Les cheveux étaient tous noir, et il s'en exhalait une odeur forte, infiniment douce, de jardin... Le colonel enleva sa bête :

- Dragons commanda-t-il.

D'un saut il fut devant ses hommes et les narines saoulées, enveloppant la place d'un coup de main :

- Foutez-moi ça sur vos casques !

Un hurlement de rires s'élança des escadrons! Tous à la fois, les cavaliers s'écrasèrent dans les chevelures, et comme elles étaient tombées à profusion, chaque homme eu la sienne. Il y en avait d'enfantines qui frissonnaient comme des buées, d'autres soulevaient à bout des poings qui retombaient et pesaient, et il y eu aussi de fiers dragons qui les secouant de soufflets s'en couvrirent la tête, les reins, et les cuisses comme des manteaux d'ordonnance. Le soir tombaient. Dans l'effeuillement d'un mélancolique soleil rouge, tous ces hommes ressemblaient à huit cents fantômes, et ces chevelures qui ruisselaient sur eux semblaient huit cents fontaines de sang noir. un vieux brigadier, de hauteur incompréhensible, dardait ses plaines mains et empoigné d'une pitoyable joie, balançait se flot nocturne, sans comprendre. Il en fut qui s'embarrassant de ces mèches épanouies en bourrèrent leurs grosses bottes. Un major s'en était vêtu de la jugulaire aux éperons. Un lieutenant sépara les siens en trame double, et derrière les fils de ces cheveux immenses , on l'entendait jurer de volupté, on voyait sa gorge baitre et ses dents luire. Quelques soldats, très jeunes, s'étaient assis, et les yeux morts, leurs joues leurs moustaches roulées dans ces toisons de parfum, d'une bouche pâmée, ils râlaient sans plus entendre,sans plus voir personne. Cette ivresse dura une heure; - les hommes enlevèrent enfin leurs casques.

C'étaient de vielles marmites "à la minerve" toutes meurtries, toutes bosselées par les coup de sabre et les balles. Ces casques aveint changé bien des fois de maitre; ils étaient de ceux qui avaient traversé l'Europe, et de 1805 à 1808, les derniers de la vielle armée qui durant les marches, plantées sur de nouvelles têtes, contaient aux cavaliers étonnés le fameux "tumulte" d'Austerlitz.

On suspendit à leurs cimiers les chevelures, - et un trompette sonna !

Aussitôt, le régiment fut en selle, magnifique. Toutes les figures étaient haute; un grand parfum s'exhalait des rangs...

Le colonel tira son sabre, et il allait commander la marche, lorsque tout à coup un horrible cri retentit, et une vieille qu'on avait détachée se mit à courir près des bêtes. C'étaient elle dont les hurlements avaient tant exité les femmes. Un homme l'arrêta, et comme on ne lui avait pas tranché les cheveux, le colonel accourut :

_ Cette femme !

Il montra une paire de ciseaux .

- Vite...

[à suivre]
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MessageSujet: Re: Les Crinières   Les Crinières EmptySam 17 Oct 2009 - 19:45

Les cheveux tombèrent comme une neige...

- A mon casque !

Le trompette coupa a crinière noire et lia celle de la femme au cimier d'or. Développée, elle habilla le colonel de lumière, et soyause, recouvrit d'une hausse blanche le cheval sombre qu'il montait. Au milieu des hommes, la vieille roula convulsionnée.

- Laissez ! dit le colonel.

il regarde la montagne immobile :

- Pas de pardon leurs fils peuvent nous tuer tout à l'heure;

Et son cris :

- Marche !

Tout s'ébranla...

Les escadrons défilèrent devant les femmes qui, les poings en avant et toutes debout, leur lançaient de rauques injures ! Les vieux soldats pensaient aux trappes de la montagne, mais les jeunes revoyaient peut-être leurs mères et leurs sœurs. Un petit, au teint clair, se retourna vers les femmes; il pleurait et leurs envoya un bonjour.

A partir de Tarazone, il n'y avait plus de grandes routes; on va dans les chemins couverts d'éclat de roche.

Le régiment s'enfonça dans le défilé.
Il monta ainsi pendant une heure, dans le bleu sombre et froid, vers l'embuscade, vers les Espagnol, sans doute vers la mort, - et peut-être qu'une des femmes restées sur place, à genoux et attentive, se sentit émue en regardant la troupe gravir les monts, décroissante comme une bande d'oiseaux en voyage, et attristée un peu de ne pas connaitre le soldat de France qui l'avait tenue embrassées, se demandant, voyant partir ces fiers hommes, quels étaient là-bas, quels étaient les siens de ces long cheveux qui flottaient...




Le régiment de longues semaines plus tard sortit comme un flot de titans de ces montagnes où, pour se frayer un passage, ils avaient du être au delà des héros, au delà des mythes, au delà de tout ce que l'on vous dira....

Quand l'Armée les vit, Lannes le premier, tous enveloppés de ces crinières vivantes, le visage sombre et l'œil brillant d'une lumière d'au delà, alors l'Armée se tut, Lannes le premier qui ôta son chapeau...
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MessageSujet: Re: Les Crinières   Les Crinières EmptyDim 18 Déc 2011 - 9:55

up Very Happy
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MessageSujet: Re: Les Crinières   Les Crinières Empty

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